Le boustrophédon ? Droite, gauche, dans quel sens écrit-on ?

L’espace autour de nous, la route devant soi, le ciel au-dessus de notre tête, la terre sous nos pieds, autant d’évidences qui participent aux perceptions sensorielles, qui sont vecteurs de la pensée et même source de philosophie.
Selon les pays et la culture, le sens de l’écriture diffère. Elle peut être horizontale de gauche à droite ou à l’inverse se diriger de droite à gauche comme c’est le cas pour l’arabe et l’hébreu. Elle se trace en ligne verticale dans les traditions chinoise et japonaise.

Le boustrophédon
Quelques siècles avant notre ère, existait même un procédé étrange d’écriture de gauche à droite, puis ligne suivante de droite à gauche et ainsi de suite avec ces allers-retours gravés dans la pierre. C’est l’écriture en boustrophédon, terme d’origine grecque qui décrit le parcours du bœuf qui trace les sillons du labour. Pas très facile quand même pour lire le texte dont les lettres partent à rebours!
Quand une culture transmet une écriture qui se trace de gauche à droite et inversement, ou de haut en bas, ce n’est pas anodin, ni simplement le fruit du hasard.

Peut-on en tirer quelque conclusion?

Puisque le graphologue interprète les mouvements du graphisme vers le haut, le bas, la gauche, la droite, y aurait-il une signification lorsque l’écriture se déroule de droite à gauche ou en ligne verticale comme le chinois et le japonais?
D’une façon générale, l’être humain a tendance à placer vers le haut ce qui élève l’esprit, les idéaux, la spiritualité et vers le bas ce qui ressort du domaine concret, la matière, ce qui est quantifiable et palpable.

L’axe horizontal

Lorsque l’homme se déplace, les points cardinaux et l’horizon, sont les repères de son parcours et de son mouvement. L’axe horizontal représente la progression de l’homme, son avancée dans la vie. On y trouvera la notion du temps dans le mouvement qui mène d’un point à un autre.
Sur un plan symbolique (que l’on retrouve aussi au niveau psychosomatique), la gauche pour l’être humain est en affinité avec la vie intérieure, les origines, et la droite la vie extérieure, l’action, le mouvement vers le futur et l’inconnu. Je synthétise ici des développements que j’ai déjà faits dans d’autres ouvrages. Rappelons toutefois en exemple que les travaux de renommée internationale du chercheur A.Tomatis, nous précisent que chez l’enfant les pathologies répétées à l’oreille gauche peuvent être liées à la relation à la mère alors que l’oreille droite est liée à sa relation au père, à l’extériorisation ce qui évoque par extension une difficulté à aller vers les autres et vers son futur. Ceci est bien sûr plus que résumé et mérite des nuances.

L’axe vertical

On peut déjà percevoir que l’écriture verticale traduit une philosophie qui situe l’homme entre le Ciel et la Terre, ce qui privilégie le plan spirituel. L’écriture traditionnelle chinoise en est l’exemple. Dans cette culture, l’homme est, au sein de l’univers, en contact subtil avec les énergies de la nature. La richesse même de l’acupuncture met en lumière un concept où l’être humain est profondément, concrètement et psychiquement lié à l’univers et aux cycles de la vie.
Vous allez dire, ah oui! Mais maintenant le chinois s’écrit aussi sur un plan horizontal! Exact, depuis environ 1956, on a commencé à écrire le chinois de gauche à droite par souci de « simplification » paraît-il. Sans doute! Cela permettait aussi d’écrire facilement les mots occidentaux. Mais restons dans la symbolique. En modifiant la transmission de l’écriture, on transforme ce que l’on fait passer dans les mentalités. On pourrait donc conclure en raccourci (en 1956) que cela promettait des changements fondamentaux de mentalité. Facile à vérifier aujourd’hui. L’écriture gauche-droite: c’est l’axe du temps qui prend le dessus sur l’axe vertical (le Ciel et la Terre). Or la notion de temps n’est pas toujours vécue de la même façon selon les cultures. D’ailleurs dans la langue chinoise « les temps » en grammaire n’existent pas comme dans les langues occidentales. « Avant » ou « après » sont suffisamment explicites alors qu’en français par exemple, on a même des « futurs » dans le passé! Et des conditionnels dans le futur… Opter pour ce changement d’écriture est donc plus profond qu’il n’y paraît et l’occidentalisation que cela annonçait au départ, s’est vite accélérée. On peut penser que les mentalités aussi ont changé même si les valeurs profondes demeurent.

L’écriture de gauche à droite traduit un mouvement qui part du passé pour se diriger vers l’avenir. Dans l’autre direction, l’écriture qui se dirige vers la gauche traduit une philosophie qui va puiser dans les valeurs de la tradition, qui préserve la richesse du passé. Cela met en relief un retour aux sources. Dans l’étude d’une écriture individuelle, on tiendra compte de toutes les particularités puisqu’au sein de chaque forme apprise, l’écriture d’une personne est unique.

Et le boustrophédon alors?

BoustrophedonMais je serais tentée de dire qu’il faut une belle souplesse intellectuelle, sans a priori pour écrire de cette façon puisque dans le mouvement droite-gauche ici, on écrit un peu comme en miroir. Cela évoque une culture qui peut intégrer le passé et le futur, qui se nourrit de l’ancien mais qui va vers le futur en préservant les valeurs du passé.

Il y a peu de chance pour que le graphologue y soit confronté, surtout que c’est gravé dans la pierre. En toute franchise, je n’ai pas encore tenté d’analyser les bas-reliefs. Par contre j’ai apprécié (ou j’ai eu la chance) d’analyser l’écriture de personnes qui écrivaient dans deux langues différentes, en français et dans d’autres caractères d’alphabet. La comparaison des deux élargit le panorama de la recherche et met en lumière parfois la richesse d’une double culture.
De même dans une étude individuelle, je tiens compte de la culture initiale. Selon les pays, il peut y avoir un impact différent sur la façon d’écrire.

Sylvie Chermet-Carroy
Consultations, cours
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Ouvrages:

  • interpréter les lettres et les chiffres dans l’écriture. S Chermet-Carroy. Editions Exergue
  • La signature ou l’intimité dévoilée. S Chermet-Carroy. Guy Trédaniel Editeur
  • L’oreille et la vie. Dr Tomatis. Editiond Laffont