Écrivain, poète, critique, parolier, musicien de jazz, Boris Vian a multiplié les talents mais aussi les scandales. Né en 1920 à Villa d’Avray, atteint de rhumatisme articulaire à douze ans avec u problème cardiaque, Boris Vian décréta qu’il mourrait avant 40 ans. Il est décédé à 39 ans.
Après avoir fait l’école Centrale de Paris, il a travaillé comme ingénieur, milieu dans lequel il s’ennuyait, préférant la musique, le jazz et la fête. Réputé pour son humour, sa dérision, lié d’amitié avec Raymond Queneau, Jacques Prévert et bien d’autres, parolier de Serge Regiani et de Juliette Gréco, animateur du mouvement Zazou, romancier surréaliste, Boris Vian peu reconnu comme écrivain de son vivant, connaît la gloire posthume à travers les générations et les continents.
Sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, Boris Vian écrit en 15 jours « J’irai cracher sur vos tombes » pastiche de roman noir américain qui traite de racisme et de violence. Le scandale éclate et il s’ensuit de sérieux déboires avec la justice.
Quel éclairage nous apporte l’écriture ?
L’écriture est caractéristique par son extrême rapidité, sa nervosité, son instabilité. Le personnage est-il donc instable ? Pas tant que cela ! En effet, les lettres sont très liées (« paupière » ligne 4, « lentement » ligne 5). Paradoxe ou richesse de la personnalité, la vivacité voire l’exaltation cohabite avec la ténacité : Boris Vian ne lâche pas prise. Tenace, voire têtu, il va au bout de ce qu’il désire même si les moments de relâchement sont présents notamment dans « les larmes plein les mains » ligne 1. Mais ces relâchements ne durent pas et l’énergie repart de plus belle. Ceci nourrit la créativité et l’imaginaire. « L’automne à Pékin », « l’Ecume des jours » font cohabiter la sensibilité, l’humour, le surréalisme.
Plus profondément, on observe que certains mots chutent sous la ligne (« torturés » ligne 7), d’autres sont montants. Ceci traduit une alternance de dépression et d’emballement. Cela ne freine pas le mouvement mais signale une souffrance profonde sous-jacente. Boris sans doute, n’en parlait pas, réputé pour avoir un humour glacé et un enthousiasme délirant.
Boris Vian l’insoumis
Un constante dans tous les écrits : les « i » qui sont toujours soit incisifs, soit agressifs, parfois normaux, hésitants et très hauts, ou acérés, ou avec un trait horizontal catégorique (dans « vivant » ligne 9). La lettre « i » mérite un long développement, mais je résume : elle se rattache au symbolisme du père, de l’autorité. Ici, les «i » expriment le défi, le rejet de l’autorité. Associé aux autres éléments de l’écriture, c’est même le refus catégorique de subir le pouvoir des autres ! Révolte et audace ne font qu’un !
La chanson « Le déserteur » écrite par Boris Vian dans le contexte de guerre d’Indochine, n’a pas fait l’unanimité ! Encore un scandale. Et cependant, la fin a été adoucie par l’ami Raymond Queneau qui était un peu affolé par le texte initial. La fin de la chanson de Boris «Prévenez vos gendarmes/que j’emporte des armes/Et que je sais tirer/ est devenue « Prévenez vos gendarmes /Que je serai sans arme/ Et qu’ils pourront tirer » Mouloudji s’y est mis également et a apporté quelques modifications. Chanson interdite d’antenne, mais maintenue ensuite par Mouloudji dans son répertoire à l’Olympia. Joan Baez l’a chantée également.
Provocateur, novateur, idéaliste, Boris Vian abritait aussi une grande sensibilité. Celle-ci était peut-être un peu masquée mais bien présente. L’écriture nous montre que l’affectif était bousculé, pas toujours harmonisé mais intériorisé.
Sylvie Chermet-Carroy
Cours et consultations par internet
Auteure de :
- « Interpréter les lettres et les chiffres dans l’écriture » Éditions Exergue
- « La signature ou l’intimité dévoilée » Éditions Guy Trédaniel Éditeur